Organisée par l’agence Auvergne-Rhône-Alpes Spectacle Vivant et la Communauté d’agglomération Loire Forez Agglo.
Jeudi 23 janvier 2020 – Montbrison (42)
Avec Amandine Weber, coordinatrice de l’action culturelle et du développement des partenariats de Loire Forez Agglomération (42), Sarah Wasserstrom coordinatrice du centre culturel de Goutelas (42) et Dorothée Machet, co-directrice du centre culturel Le Bief (63)
Invité lors de cette journée à intervenir brièvement, je devais tenter d’apporter un éclairage sur une double question :
> qu’est-ce qu’on appelle un habitant?
> Comment coopérer avec les habitants ?
Mes notes :
“Habitant” désigne, au même titre que le mot “animal”, un tout et une partie de ce tout. Un tout, tous les êtres humains en temps qu’ils habitent un espace terrestre, mais également une partie, tous les êtres humains en tant que non professionnels des politiques publiques territoriales. L’habitant, c’est le profane, celui qui n’est pas là en tant qu’expert de la production de l’espace habité. Pourtant, la relation active, sous-entendue par le vocable « habitant », nous rappelle que celui-ci modifie et construit l’espace en l’occupant et en y déployant sa vie. Habitant, le vivant mondifie l’espace, pourrait-on dire.
1 – Coopérer avec les habitants, profanes circonstanciels pourtant toujours déjà acteurs de la construction des territoires, c’est donc, en premier lieu certainement, interroger la posture du professionnel en acceptant un partage (et donc l’abandon d’une partie) de pouvoir. Le professionnel que nous sommes toutes et tous par instants doit pouvoir cesser d’agir et discourir pour ré-affirmer sa propre distinction d’avec le profane, mais plutôt tâcher d’affaiblir cette séparation asymétrique des vivants en se répétant chaque seconde : ne suis-je pas également un habitant de la terre ?
2 – C’est peut-être ensuite, adopter une posture vigilante aux relations sensibles et intellectuelles entre les êtres humains en présence et prêter attention aux conditions de possibilité de la satisfaction de leurs intentions et besoins. Coopérer avec les habitants, faire œuvre avec les non-professionnels, c’est ne pas cesser de se demander si ils ont pu exprimer leurs besoins, si ceux-ci ont une chance d’être satisfaits et comment, le cas échéant, nous pouvons œuvrer ensemble à cette satisfaction, même partielle. C’est seulement à cette condition que l’habitant peut être considéré comme un constructeur de l’espace par le déploiement de sa vie et non seulement comme un récepteur de quelconque dispositif. C’est seulement à cette condition que la coopération avec les habitants peut avoir du sens pour tenter d’imaginer et de bâtir un monde plus juste et durablement vivable.
3 – Enfin, il s’agit d’imaginer l’extrême transition intérieure et collective que demande ces deux premiers points et d’être ainsi indulgent quant à nos capacités à atteindre des productions spatiales coopératives. Il est probablement nécessaire, dans un premier temps, d’accepter d’agir au nom de ces principes, parce que le jeu transitionnel en vaut la chandelle méthodologique, et, donc, de se satisfaire de processus imparfaits et dont les résultats, potentiellement salvateurs, sont aujourd’hui très incertains. Mais gageons qu’il vaut mieux, possiblement, des espaces coopératifs et vivables qu’un territoire certain spatialisant les inégalités sociales et détruisant extrêmement rapidement les conditions de la vie digne sur terre.
Pascal Ferren – L’inverse de la fusée